«J’étais convaincu de pouvoir empêcher l’hôpital de fermer»

| mar, 27. déc. 2016

Michel Chevalley s’apprête à quitter la préfecture après dix-neuf ans passés à sa tête. Un mandat éprouvant, mais épanouissant. La fermeture du site hospitalier de Châtel-Saint-Denis, les fusions de communes ou la démographie du district l’ont occupé toutes ces années. Tour d’horizon non exhaustif de son œuvre et digressions sur le rôle du préfet.

PAR SOPHIE MURITH


Comment faire la synthèse d’un mandat de dix-neuf ans à la préfecture de la Veveyse? Michel Chevalley, qui quittera ses fonctions le 31 décembre, aurait lui aussi bien de la peine à faire un choix. Une chose est sûre: «Les panégyriques ne m’intéressent pas. Les gens savent ce qu’on a fait ou pas.» Il dit «on» pour mettre en avant le travail d’équipe. «Un préfet peut donner les impulsions, il peut coordonner, il peut tempérer. Mais il est toujours bien entouré.»

Dès le début de votre mandat, vous avez été très actif dans le dossier de l’hôpital de Châtel-Saint-Denis, qui aujourd’hui est fermé…
Le départ de l’HFR m’a accompagné durant toute ma carrière. Dès la campagne, en 1998. Comme le béotien que j’étais, j’étais convaincu de pouvoir empêcher l’hôpital de fermer. Quand j’ai compris que tout était déjà organisé par la Convention de Vaulruz et que taper sur la table n’y changerait rien, cela a été un grand drame. J’aurais pu y laisser ma crédibilité.
Je me suis beaucoup investi dans ce dossier parce que j’y croyais très fort. Je pense que les Veveysans l’ont reconnu car ils m’ont réélu en 2001. L’effritement s’est fait étape par étape: d’abord la maternité, puis les soins continus et palliatifs. Cela a été un gros échec pour moi, plus dans le sens du service à la population que dans le sens médical. Nombre de Veveysans préféraient déjà se faire opérer ailleurs. Nous avons aussi perdu de nombreux emplois, même si les employés ont été replacés.

Quelles sont les trois réalisations dont vous êtes le plus fier?
Avec le recul, j’étais très content de la réouverture de l’Hôtel Ermitage, aux Paccots. Cela n’a pas duré, mais il a vraiment très bien fonctionné. Si je remonte au début de mon mandat, j’avais été très heureux de la parfaite réussite du site des Fribourgeois de la Fête des vignerons pour lequel j’étais président. L’ouverture du centre médical de la Veveyse, dans les locaux de l’ancien hôpital de Châtel-Saint-Denis, est la cerise sur le gâteau de la fin de mon mandat.
Mais l’une de mes principales satisfactions réside dans cet esprit d’entreprise, cette solidarité intercommunale, parfois relative certes, qui règne dans le district. Créer un amalgame, créer un groupe, cela donne de nouvelles énergies, de nouvelles synergies. Je me suis escrimé à aller dans cette direction et je trouve que nous avons réussi à prendre ce virage. Le fait d’être un petit district nous a probablement aidés. Etre petit nous permet de fonctionner sans mettre en place de grandes coordinations. Revers de la médaille de notre taille réduite: Avec nos 65 conseillers communaux, ce sont toujours les mêmes qui sont au front. Et en plus, on continue à créer des associations…

Les associations intercommunales ne vous plaisent donc qu’à moitié…
Après les fusions de communes qui ont capoté, j’ai compris que plus on crée d’associations intercommunales, moins on a besoin de fusion. Avec elles, nous répondons à toutes nos tâches. Par contre, la dilution du pouvoir augmente. Je suis étonné que les communes, si sensibles aux dernières prérogatives qui leur restent, préfèrent poursuivre dans ce sens.

Du coup, fini les fusions…
La complexification et la judiciarisation des dossiers obligent à la réflexion. Des services juridique et technique intercommunaux pourraient voir le jour. Nous sommes aux limites du système de milice. Et Dieu sait si je l’aime. Ces problématiques, plus que les histoires d’argent, vont amener les fusions et les restructurations. Nous nous trouvons dans le même cas pour les pompiers. Il est question de regrouper l’administration des quatre corps restants. Un jour, il n’y aura plus qu’un seul corps en Veveyse, avec poste avancé dans les casernes actuelles.

Etes-vous satisfait du visage de la Veveyse? A neuf communes…
Je pensais aller  plus loin. Ce n’est pas le dossier dans lequel j’ai été le plus brillant. Je sentais que cela péclotait, alors j’ai lancé ce pavé dans la mare: une seule commune pour le district. Sans succès.
Je ne suis pas déçu, mais je pensais que nous serions davantage précurseurs avec cette commune de près de 18000 habitants, la troisième du canton, derrière Fribourg et Bulle. Il y avait un nouvel atout à mettre dans notre jeu.
Mais aujourd’hui, nous avons des communes d’au moins 1000 habitants, à l’exception de Granges. Et les communes fusionnées ne reviendraient pas en arrière. Elles sont satisfaites de leur sort. Les communes ont demandé un peu de temps pour digérer ces fusions et éventuellement franchir une étape supplémentaire. Pour moi, elles se cherchent des excuses. Même si je respecte cette volonté d’autonomie.

Vous n’avez pas eu davantage de succès avec le projet d’agglomération Rivelac…
Le processus est toujours en cours pour recevoir un écho favorable de la Confédération. Les communes de la Riviera, avec Châtel-Saint-Denis à leur côté, ont réussi malgré tout le tour de force d’avoir une sorte de Plan directeur régional.
Toute la Veveyse est tiraillée par des pôles d’attraction extérieurs. Que ce soit la Riviera, Oron ou Bulle. Au travers de ces collaborations, nous permettons à notre région d’exister. La notion de région est devenue très forte surtout avec la Nouvelle politique régionale (NPR), une source de subventions importante.
Jusqu’à présent, nous n’avons jamais été très bons pour obtenir des subventions. Du point de vue touristique, il y aura certainement une carte à jouer.

La Région Glâne-Veveyse (RGV), dont vous avez été le président, a-t-elle encore lieu d’être?
Aujourd’hui, s’il fallait créer une association régionale, je ne suis pas sûr que nous nous lierions avec la Glâne. C’était un mariage de raison pour obtenir les prêts LIM. Mais finalement le lien s’est fait naturellement et la RGV va établir un programme de développement régional.

A votre entrée en fonction, la Veveyse comptait 12000 habitants. Aujourd’hui, près de 18000 personnes y vivent. Cette croissance a-t-elle été bien gérée?
Son développement a été raisonnable à l’échelle du district. Par contre, si l’on pointe Attalens, dont la démographie a été multipliée par 2,5, c’est un appel d’air important. Il a bien fallu répondre au niveau des infrastructures à cette arrivée massive de population.
Nous n’avons pas connu de gros problèmes et je ne pense pas que nous soyons devenus un district dortoir. Le mélange des populations se crée à l’école, dans les sociétés locales. Ce développement est nécessaire, nous ne pouvons pas stagner. Par contre, mon vœu pieux est de voir le nombre d’emplois augmenter dans le district. L’Etat et les communes devraient acquérir tous les terrains le long de l’autoroute. Dépêchons-nous pendant que nous avons encore des terrains à échanger avec les agriculteurs. Là, il y a un vrai potentiel.

 

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«Le dernier animal politique»


Michel Chevalley, quelle est la qualité la plus importante pour être un bon préfet?
Il faut porter un amour profond à sa région et aux gens qui y habitent. Ainsi, l’on mettra tout en place pour qu’elle reste belle, attrayante, qu’elle reste plus ou moins celle que l’on a connue. J’ai toujours privilégié l’humain et il me l’a bien rendu.

Pourtant vous êtes souvent seul, notamment au moment de trancher…
Je téléphonais souvent aux collègues avant une décision importante à prendre. Et une fois que la décision passe, sans être contestée, c’est une grande satisfaction. Je suis heureux que la population ait souhaité qu’entre l’Etat, ses lois et ses règlements, il y ait un humain capable de faire une pesée des intérêts. Avec son bon sens et l’aide des juristes.
 
Pourtant, on dit souvent que le préfet ne dispose que de peu de marge de manœuvre…
Nous sommes sept districts, sept préfets, et nous essayons – c’était mon rôle de président – d’harmoniser notre action. Mais, comme le dirait Daniel Lehmann, le plus ancien préfet en fonction: «Chaque préfet garde ses prérogatives propres.» Le préfet est le dernier animal politique qui prend des décisions tout seul et qui a une marge de manœuvre.
D’une part, il inspecte les communes, en tant que bras avancé de l’Etat dans le district. D’un autre côté, il assure aussi un rôle de coordination, comme dans la décision d’un financement de 40 millions de francs pour la rénovation et l’agrandissement des homes, de 30 millions pour le CO. Même si la loi exige la mise à disposition de ces infrastructures, il faut quand même convaincre les communes de payer. Ce rôle du préfet, de primus inter pares, je l’ai beaucoup apprécié.

Comment allez-vous occuper vos journées?
Mis à part mes mandats au Grand Conseil et dans différentes associations, je vais prendre du temps pour les miens et pour moi. J’aime beaucoup la nature, jardiner, écrire, peindre et sculpter. Je compte bien cultiver ces passions. S’il me reste encore du temps, j’aimerais bien mettre un peu de beurre dans les épinards. Je vais perdre 40% de mon salaire. Mais j’aurais honte de me plaindre alors que d’autres tirent le diable par la queue. En fait, je vais retrouver une vie normale. Ce ne sera pas si simple. Toutes ces années, je me suis organisé en fonction de mon travail, et ma famille en fonction de moi.» SM

 

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