Marcel Imsand, photographe de la lumière et du silence

| dim, 12. nov. 2017
Marcel Imsand (ici en 2007) s'est éteint le 11 novembre. (photo Christophe Dutoit)

Marcel Imsand s’en est allé, samedi, à l’âge de 88 ans. Le photographe né à Pringy a publié une huitantaine de livres, dont Paul et Clémence, Luigi le berger ou Les Frères, son chef-d’œuvre. «Marcel parvenait à rendre singuliers les gens ordinaires», dit de lui Jean-Henry Papilloud.

CHRISTOPHE DUTOIT

Il était le photographe des sans-grade, des petites gens, des plus démunis. Mais il était aussi celui de Barbara, de Maurice Béjart, de Cindy Crawford. Devant son objectif, anonymes ou célébrissimes révèlent tous une humanité sans fard. Samedi, Marcel Imsand a déposé son Leica et il s’en est allé à petits pas dans les froidures de novembre. Il a rejoint son épouse Mylène, partie en septembre.
Durant un demi-siècle, Marcel Imsand a photographié tout ce que la Suisse romande a d’immuable, loin du brouhaha du monde, aux antipodes de l’actualité. Dans un noir et blanc hors du temps, avec ses films au grain contrasté, il a magnifié la simplicité des choses, un visage, un geste banal, une lumière, le silence. «L’observation m’habite sans que j’aie besoin de regarder, disait-il. J’enregistre le monde. Je ne fais pas de la photographie…»
Un jour de 1970, il prend justement une photographie sur un chemin de traverse dans le Gros-de-Vaud. «Un long manteau sombre, des pantalons trop courts, dans la main droite un bidon à lait et, dans la gauche, un géranium…» Il aurait pu se contenter de cette silhouette de dos, de cet homme voûté en contre-jour sur un chemin si lumineux. Mais non. Malgré sa timidité, Marcel Imsand engage la conversation avec Paul Leiser et noue une amitié de dix ans avec ce reclus lettré qui joue Für Elise malgré son arthrite et qui vit avec Clémence, l’ancienne servante de ses parents, dans une vieille ferme sans électricité ni chauffage. En 1982, il publie Paul et Clémence, ode romantique au dénuement, dans ce noir et blanc charbonneux et inquiétant qui fait bientôt sa marque de fabrique. «Lorsqu’il entre en communication avec des êtres humains, l’instant devient magique. Dans ses photos, il parvient à rendre singuliers les gens ordinaires», dit de lui Jean-Henry Papilloud, président de l’Association Marcel Imsand.


Le grand saut à 35 ans
Né à Pringy en 1929, le Valaisan d’origine grandit dans un milieu modeste. Boulanger-pâtissier, puis mécanicien de précision à Neuchâtel, il fait le grand saut à l’âge de 35 ans. De son amour pour la photographie, il fait son métier. Pour nourrir sa famille de trois enfants, il commence par des mariages. Souvenirs: «Je développais mes films dans la salle de bain tandis que ma femme Mylène douchait les tirages dans la baignoire.»
Puis arrivent les premières commandes, les premières parutions dans les journaux. Dans les années 1960, l’homme a ses entrées au Théâtre de Beaulieu. Il prend des portraits de Barbara dans sa loge. «Je veux voir les images demain», ordonne la voix de Si la photo est bonne. Il tire les épreuves dans la nuit. «Après son récital, nous avons mangé les deux au Chat Noir. Elle m’a écrit cette dédicace: “Devant ce talent-là, je vous demande pardon, mais je ne peux faire que silence. Je vous remercie de vous. Barbara.”» Là encore, le désormais Lausannois entretiendra une amitié de trente ans avec la ténébreuse qui ne s’est jamais lassée de poser dans son atelier au charme suranné de la rue de l’Ale.
A de nombreuses reprises, Marcel Imsand est revenu photographier sa Gruyère natale. Gruyères en hiver, les alpages en couleurs pour une exposition record au Musée de Charmey, mais surtout Emile et Louis Vionnet, Les frères de Vaulruz qu’il suit jusqu’à leur dernier souffle. «Il y avait ces Vierges sur les parois, des christs, L’Angélus de Millet, le portrait de leur mère au-dessus du lit. Durant cinq ans, je suis venu tous les deux mois. Ils me racontaient des histoires. L’Est et l’Ouest était un peu coquin. Je lui ai demandé: “Pourquoi vous ne parlez pas avec Milet?” Il m’a répondu: “Mais on n’a pas le temps!”»
Le temps, Marcel Imsand l’a suspendu plus qu’à son tour. Au Carnaval de Bâle, dans les campagnes vaudoises pour le Sillon romand, lors de transhumances avec Luigi le berger. «Marcel Imsand aime les gens et il sait le dire, a imagé un jour Charles-Henri Favrod, fondateur du Musée de l’Elysée, aujourd’hui dépositaire de ses archives. Dans ses photos, je vois beaucoup de tendresse et de limpidité.» ■

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