Fromagers et consommateurs redécouvrent le beurre artisanal

mar, 03. avr. 2018

PAR FRANÇOIS PHARISA

Le beurre appartient à ceux qui se lèvent tôt. Il est un peu plus de 6 h en ce matin de dimanche pascal et les lumières de la fromagerie de Mézières brillent déjà depuis une heure. Deux employés s’activent autour des trois grandes cuves en cuivre remplies de lait, pendant que Nicolas Schmoutz, le maître fromager des lieux, met en marche la baratte à beurre. Une sorte de gros tonneau en inox gris tournant mécaniquement autour d’un axe horizontal. A l’intérieur, nonante litres de crème de petit-lait, ce liquide obtenu après le caillage du lait lors de la fabrication du fromage.

A Mézières, outre, bien sûr, les incontournables gruyère et vacherin fribourgeois AOP, on produit donc du beurre de fromagerie, certifié Terroir Fribourg qui plus est. Environ une tonne par année, destinée pour une partie à une boulangerie romontoise et pour l’autre au propre magasin de la fromagerie et au marché La Ruche qui dit oui! à Fribourg. Des plaques de 100 et 200 grammes obtenues à la manière artisanale d’antan, sauf que la baratte n’est aujourd’hui plus en bois et n’a plus à être actionnée avec une manivelle à la seule force des bras.

«C’est important de proposer à nos clients un maximum de produits faits maison. C’est pour cela qu’ils se rendent chez le petit commerçant du coin plutôt que dans une grande surface. Et le processus de fabrication du beurre est intéressant. Il permet de transformer de la crème de petit-lait, mais aussi d’enrichir la formation des apprentis», explique Nicolas Schmoutz, tout en jetant de brefs coups d’œil à travers le hublot de la baratte.

Un rayon de 5 kilomètres

Comme le soulignait récemment l’hebdomadaire romand Terre&Nature, le beurre artisanal effectue «son grand retour». Après avoir longtemps été délaissé, en raison d’un prix des matières grasses tombé trop bas, il redevient intéressant pour les fromagers et les consommateurs le redécouvrent. «La tendance est de privilégier les produits de saison cultivés près de chez nous», se réjouit Nicolas Schmoutz.

La baratte poursuit son œuvre. «En agitant la crème, la machine sépare les globules de matière grasse qu’elle contient du babeurre dans lequel ils baignent», décrit le fromager glânois de 54 ans.

La veille, la crème, tirée de la centrifugation du lait et du petit-lait provenant d’une quarantaine d’exploitations toutes situées dans un rayon de 5 kilomètres, a été pasteurisée à 90°, puis amenée à maturation. C’est-à-dire qu’on lui a ajouté des ferments lactiques. «Des bactéries qui lui permettent de s’acidifier et de développer ses arômes.»

Gare à la tartinabilité

Nicolas Schmoutz précise qu’à cette maturation microbiologique succède une maturation physique, «pour améliorer la tartinabilité» du beurre. Afin qu’il ne soit ni trop dur en hiver ni trop mou en été. La crème ainsi préparée est reposée entre dix et douze heures, jusqu’au lendemain matin.

Cinquante minutes que la baratte tourne, encore et encore. La masse de matière grasse ne se colle désormais plus à la vitre du hublot et on l’entend tomber en paquet à chaque tour. C’est bon signe: les globules gras se sont agglutinés et forment maintenant des amas solides de grains de beurre.

Nicolas Schmoutz stoppe la machine. «Cela a pris un peu plus de temps qu’à l’accoutumée, reconnaît-il. La durée du barattage dépend de nombreux facteurs. Peut-être que la température à l’intérieur ou le pH étaient un peu plus élevés.»

Il ouvre ensuite une vanne, par laquelle le babeurre se déverse dans un sceau. Les grains sont, eux, aspergés d’eau glacée. L’opération est répétée une seconde fois, histoire de bien s’assurer d’enlever toute trace de babeurre qui pourrait favoriser prématurément l’oxydation du beurre. Les grains sont ensuite malaxés, toujours dans la baratte, deux fois dix minutes, «pour les égoutter et leur conférer une texture onctueuse».

Un parfum de déjeuner

Une dernière étape encore, au contact direct de la matière. L’artisan soulève le couvercle, plonge ses bras dans la baratte et en extrait plusieurs mottes de beurre souples et parfumées, qui sentent bon les tartines du matin. Trente-cinq kilos de beurre à la saveur des pâturages alentour. La récompense.

Par petits bouts, cette masse jaune pâle se formant et se déformant comme de la pâte à modeler est sculptée en plaques à l’aide de moules en érable, prêtes à être emballées. «Les industriels rigoleraient s’ils me voyaient faire tout ça à la main… Mais c’est un savoirfaire qu’on veut transmettre et qu’on essaie de cultiver.» ■

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