Le personnel des soins autorisé à faire grève

jeu, 25. oct. 2018
Priver l’ensemble du personnel des soins du droit de grève est disproportionné, selon les juges de Mon-Repos. ARCH - A. VULLIOUD

Par DOMINIQUE MEYLAN

TRIBUNAL FÉDÉRAL. L’interdiction générale de faire grève pour le personnel fribourgeois des soins n’entrera jamais en vigueur. Selon un arrêt du Tribunal fédéral publié hier, cette mesure est disproportionnée. A l’origine du recours, le Syndicat des services publics (SSP) se dit extrêmement satisfait.

Le jugement est on ne peut plus clair. Pour Mon-Repos, une telle interdiction introduite par le Grand Conseil en novembre 2017 dans la Loi sur le personnel de l’Etat (LPers) est anticonstitutionnelle. Un point pose particulièrement problème: l’article ne fait aucune distinction entre les personnes dont la présence est indispensable pour sauver des vies et assurer la santé des Fribourgeois et les employés de n’importe quel établissement de soins soumis à la LPers.

Même en accordant le droit de grève, note le Tribunal fédéral, l’intérêt public n’est pas remis en cause. La loi fribourgeoise prévoit en effet qu’un «service minimal doit être assuré dans les secteurs où un arrêt de travail mettrait en péril, même indirectement, les prestations indispensables à la population», souligne l’arrêt. Dans le domaine de la santé, des restrictions supplémentaires peuvent même être imposées en cas de nécessité.

Une interdiction pure et simple, qui implique une restriction des droits fondamentaux, irait donc au-delà de l’objectif poursuivi. Les juges ne se sont pas montrés davantage convaincus par les arguments des députés, qui justifiaient une telle restriction par le devoir de reconnaissance envers l’employeur, la garantie d’un service optimal ou encore la protection du personnel contre les syndicats.

La joie des syndicats

«Ce jugement va faire jurisprudence dans toute la Suisse», se réjouit le secrétaire régional du SSP, Gaétan Zurkinden, tout en louant cette interprétation large du droit de grève. Dans un communiqué, le PS s’est également félicité de cette décision. Actuellement, seul Nidwald interdit de telles actions à ses employés. Dans les cantons qui ont légiféré, aucun ne va aussi loin que les députés fribourgeois.

Pour Gaétan Zurkinden, la décision du Grand Conseil était avant tout politique, liée au débat sur une éventuelle sortie du personnel de l’HFR de la LPers. Dans cette optique, cet arrêt du Tribunal fédéral «change les rapports de force, espère le syndicaliste. Cela met une pression sur les députés et nous donne du poids dans les négociations».

Si la motion Bapst/Wüthrich qui propose la sortie de la LPers devait être examinée en novembre par le Grand Conseil, le SSP envisage une nouvelle mobilisation. Une assemblée est prévue lundi sur ce thème. Le terrain a également été préparé avec l’HFR, puisqu’une procédure en cas d’arrêt du travail a été discutée avec la direction.

Plusieurs précédents

La question du droit de grève pour les employés de l’Etat a commencé à faire débat après les actions menées au sein des buanderies de Marsens et de l’Hôpital cantonal ainsi qu’à la crèche de l’HFR. Depuis 2003, la loi interdit de telles pratiques à tous les employés du canton, quand bien même ce droit est garanti tant par la Constitution fribourgeoise que suisse.

Afin de corriger la situation, le Conseil d’Etat a mis en consultation fin 2016 un premier projet, où il proposait précisément de ne pas accorder le droit de grève au personnel des soins, ainsi qu’aux policiers et aux agents de détention. Au terme de la consultation et sous pression des syndicats, il a corrigé sa copie.

Mais la commission du Grand Conseil a fait volte-face, ramenant le personnel des soins au rang des exceptions. En plénum, les députés ont suivi cet avis à une courte majorité de 47 voix contre 44, avec l’appui de l’UDC, d’une majorité du PLR et d’une partie du PDC. Presque immédiatement, le SSP, soutenu par deux infirmières de l’HFR, a contesté cette décision au Tribunal fédéral.

Le Conseil d’Etat satisfait

Par la voix de son président Georges Godel, le Conseil d’Etat se dit satisfait de cet arrêt qui confirme sa dernière version, tout en affirmant n’en tirer aucune gloire. Le directeur des Finances estime que cette décision ne va pas modifier pour autant les discussions sur la politique hospitalière.

«Je ne pense pas que cela aura une influence sur le débat autour de l’HFR, parce que les conditions pour faire la grève sont assez strictes», signale Georges Godel. Pour être légal, un mouvement doit se rapporter aux relations de travail et concerner un conflit collectif. Il ne peut intervenir qu’en dernier recours après l’échec d’une tentative de conciliation et un préavis de grève doit être déposé.

Le Conseil d’Etat avait reporté l’entrée en vigueur de cette interdiction, qui n’a donc jamais été appliquée. Il va maintenant préparer une modification de la loi sur la base de l’arrêt du Tribunal fédéral et la soumettre au Grand Conseil. Théoriquement, il pourrait se contenter de biffer «personnel de soins» de l’article 68, alinéa 7 de la LPers. ■

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