Les belles prairies: un enjeu économique et durable

mar, 20. nov. 2018
A Château-d’Œx, le Parc naturel régional Gruyère-Pays-d’Enhaut a organisé une journée pour sensibiliser le public à la qualité du foin. PHOTOS ANTOINE VULLIOUD

PAR VALENTIN CASTELLA

«La verte Gruyère.» Combien de fois a-t-on entendu ce slogan vantant la beauté des pâturages de la région? Nombre d’entre nous ignorions pourtant que l’entretien de ces prairies demandait un travail très spécifique de la part des agriculteurs. Le Parc naturel régional Gruyère- Paysd’Enhaut (PNR) a souhaité mettre en lumière ce savoirfaire en organisant, samedi à Château-d’Œx, une journée dédiée à ce thème. Ainsi, plusieurs agriculteurs se situant dans la zone du PNR se sont vu récompenser d’un prix pour leurs belles prairies (voir cicontre).

La question est de savoir quel est l’intérêt de prendre soin de l’herbe? Offrir une bonne qualité de fourrage au bétail permet aux animaux d’être en meilleure santé et donc de produire davantage de lait. «Une étable en mauvaise santé est une étable qui coûte, explique Pierre Aeby, responsable du secteur production végétale de l’Institut agricole de Grangeneuve. L’alimentation est centrale dans la santé du troupeau et du tiroircaisse.» Selon le spécialiste, la qualité du fourrage constitue plus de la moitié des coûts de production du lait. Pour offrir le meilleur aux animaux, de nombreux points sont à prendre en compte. Le type d’engrais, la hauteur et la période de fauche, les machines utilisées et les conditions météorologiques impactent sur la qualité. Autres secrets: laisser les vaches fouler la zone au printemps, couvrir les plaies ouvertes en sursemant dès que la terre est visible, laisser un peu de feuillage en maintenant une hauteur de fauche régulière et assurer une certaine fumure. L’agriculteur de Châteaud’Œx Guy Henchoz (29 ans), l’un des vainqueurs du concours organisé samedi, dévoile son planning: «Dès que la terre est sèche, entre le 15 mars et le 15 avril, nous commençons par le roulage de la prairie. Durant la même période, nous effectuons un premier apport d’engrais, biologiques dans notre exploitation. Une semaine plus tard, nous sortons les vaches pour qu’elles pâturent dessus, durant deux ou trois semaines. Lorsque les animaux s’en vont à l’alpage, nous mettons du fumier. L’herbe pousse durant six semaines avant la première récolte à la fin du mois de mai.»

Cette dernière étape a également une grande influence sur la qualité du fourrage. «Il faut choisir le bon moment pour ramasser l’herbe, le tout en évitant de la casser en la récoltant lorsqu’elle est trop sèche.» Pierre Aeby complète: «Le travail avec les machines est aussi important. Une mauvaise utilisation peut abîmer le fourrage.»

Eviter les pertes

Lors du ramassage, il est important de permettre au foin de sécher dans les meilleures conditions. Exemple: ne pas trop remplir l’autochargeuse. Une action qui permet de réduire le coût de transport, certes, mais qui peut péjorer le séchage en créant des blocs compacts de foin. Ceux-ci ne seront parfois plus utilisables en raison de la fermentation. «Les meilleurs perdront 5% de récolte entre le fauchage et la vache. D’autres 30%», chiffre Guy Henchoz. Pierre Aeby continue: «Eviter les pertes est un autre argument économique. Car l’exploitant investira moins dans l’achat de foin complémentaire et de concentrés.»

Selon Guy Henchoz, certains sous-estiment les pertes. «Quelques uns travaillent de la même manière depuis de nombreuses années et ne souhaitent pas changer.» S’agit-il d’une question de génération? «Non, je ne crois pas. Pratiquement tous les gagnants aujourd’hui travaillent avec leur père. Il s’agit d’une question d’intérêt et de philosophie. Nous souhaitons offrir le meilleur à nos vaches, le tout de manière durable. C’est pour cette raison que nous nous sommes adaptés.»

Pierre Aeby conclut: «Les agriculteurs n’ont pas attendu ces dernières années pour miser sur la qualité. Je ne parlerais donc pas de changement de cap. Mais la plupart ont pris conscience de l’importance de ces petits détails qui font toute la différence.» ■


Une qualité exceptionnelle

Après deux exercices consacrés aux prairies fleuries, le Parc naturel régional Gruyère-Paysd’Enhaut, a décidé de se concentrer sur un autre point. «Chaque agriculteur possède 20% de prairies fleuries, explique le coordinateur François Margot. Nous souhaitions aussi mettre en avant les 80% restants.»

Quatorze agriculteurs (huit de l’Intyamon, six de la Jogne et 13 du Pays-d’Enhaut) ont pris part à ce concours. Selon Léa Megali, responsable du projet, cette première édition avait pour objectif de «valoriser la bonne gestion des prairies, fournir des conseils aux agriculteurs, créer des échanges entre les exploitants, communiquer sur le savoir-faire et sensibiliser le public sur l’agriculture de montagne».

Au total, 26 prairies ont été jugées. Le jury, composé de six experts, s’est réuni à plusieurs reprises au printemps sur le terrain, avant la première coupe. «Nous avons découvert des prairies de qualité exceptionnelle», explique Pierre Aeby. Pour l’emporter, celles-ci devaient notamment remplir trois conditions: offrir un fourrage de qualité, couvrir le sol et être en adéquation avec leur environnement et l’intensité d’utilisation. Les vainqueurs sont tous de Château-d’Œx. Il s’agit d’Aimé Raynaud, Mathieu Morier, François Raynaud et Guy Henchoz. VAC

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