Raoul Girard quitte la politique pour devenir secrétaire général

jeu, 20. déc. 2018
Raoul Girard: «Je ne pense pas que mon départ soit un handicap pour mon parti. Au contraire, ça laisse des occasions pour d’autres.» ARCH - A. VULLIOUD

PAR XAVIER SCHALLER

VILLE DE BULLE. Député, vice-syndic de la ville de Bulle, vice-président du Parti socialiste (PS), Raoul Girard est l’une des figures de proue de la politique fribourgeoise. Il était d’ailleurs prévu qu’il préside le Grand Conseil en 2020. Etait prévu, puisque à la surprise générale, à 46 ans, il annonce son retrait de la vie politique et son choix de remplacer Jean-Marc Morand au poste de secrétaire général de la ville de Bulle, dès août prochain.

Raoul Girard, pourquoi passer de conseiller communal à chef de l’administration?

J’ai postulé au secrétariat général pour deux raisons. D’abord, c’est vraiment un très beau poste. Ensuite, je jongle depuis quinze ans avec trois agendas très différents. Avec parfois la peur de ne pas faire bien les choses. Pouvoir me concentrer sur un seul domaine, cela signifie une qualité de vie améliorée. Bien entendu.

Ce choix implique-t-il forcément l’abandon de votre carrière politique?

Quand on prend des décisions, il ne faut pas se contenter de demi-décisions. Concernant mon mandat de député, je vais arrêter assez rapidement, parce que j’ai été élu viceprésident pour l’année 2019. A partir de là, il est vraiment important que le Grand Conseil puisse retrouver un vice-président qui a tout le temps de s’y consacrer.

Je démissionnerai ensuite du Conseil communal, fin mai. Je vais aller jusqu’au bouclement des comptes 2018, puisque c’est ma responsabilité. Après une petite pause, je commencerai le 1er août à l’administration de la ville.

J’avais déjà annoncé en mai dernier que je quittais la présidence de La Gruyère Tourisme à la fin de l’année. Je vais naturellement attendre les assemblées de printemps des différentes associations pour remettre mes mandats.

Votre élection à la vice-présidence du Grand Conseil, c’était pour beaucoup d’observateurs l’autoroute vers le Conseil d’Etat en 2021. Est-ce qu’on peut imaginer un come-back politique?

Mon nom a circulé à de nombreuses reprises, à diverses occasions. Mais du moment que j’ai postulé comme secrétaire général, il est bien clair que ma carrière politique doit s’arrêter totalement. Je ne serai pas candidat en 2021 pour le Conseil d’Etat, c’est évident.

Ce virage à 180 degrés touche aussi votre carrière d’enseignant…

Oui. J’ai cette grande chance: j’arrêterai le Conseil communal, le Grand Conseil et l’enseignement alors que, actuellement, j’adore absolument les trois. C’est difficile à concilier, mais j’adore l’ensemble. Je préfère arrêter en n’étant lassé de rien plutôt qu’en étant lassé de tout.

Estimez-vous avoir assez donné pour la collectivité?

J’ai assez donné. Mais j’ai toujours travaillé avec beaucoup de plaisir pour la ville de Bulle et je vais pouvoir continuer, c’est la grande chance avec un poste comme celui-ci. Dans un rôle différent, parce qu’il ne faudra pas se prendre pour le dixième conseiller communal, je le sais bien.

Vous parlez d’un «très beau poste». Qu’est-ce qui vous motive tellement?

C’est de manager toute une équipe, à l’administration de la ville, qui est vraiment soudée et extraordinaire. Je la connais déjà de l’intérieur. Il faut continuer dans une certaine tranquillité et une certaine ligne, ce que Bulle a toujours eu au niveau administratif. Je me réjouis de mettre mes compétences et mes connaissances de la ville au service de ce poste.

Est-ce que la décision a été difficile à prendre?

Cette décision a été longuement mûrie, même si la réflexion a commencé assez récemment, il faut l’avouer. A la fin de cette législature, j’aurais atteint vingt ans d’exécutif. Dans tous les cas de figure, je ne me serais pas représenté.

En démocratie, c’est important de ne pas s’incruster. Et ce pour deux raisons: pour faire de la place à la relève au sein du parti. Et pour la population aussi, au bout d’un moment, il est important que les têtes changent.

Est-ce que vous vous êtes inquiété de vos différentes successions?

Au Conseil communal comme au Grand Conseil, le premier des viennent-ensuite est censé me remplacer. Je les ai seulement avertis avant qu’ils ne l’apprennent par la presse. C’est-à-dire tard hier soir ou tôt ce matin (n.d.l.r.: avant-hier soir et hier matin).

En fait, vous prenez tout le monde par surprise…

Je n’ai pas multiplié les informations avant que la nomination pour le poste ne soit officielle. Le déroulement d’une telle postulation dure quand même de nombreuses semaines et il n’était pas acquis que ce soit moi qui sois nommé, car il y avait beaucoup de gens intéressés. Tous les processus et assessments ont été faits dans les règles de l’art.

Même le parti n’était pas au courant…

La nouvelle n’était attendue par personne. Je ne pense pas que mon départ soit un handicap pour mon parti. Au contraire, ça laisse des occasions pour d’autres.

Pour le Conseil communal par exemple, il y a de toute façon suffisamment de monde: Sébastien Lauper comme premier des viennent-ensuite, Kirthana Wickramasingam en deuxième, Elodie Surchat en troisième. La section bulloise a jusqu’en mai pour en discuter. ■


Les viennent-ensuite vont devoir se décider

Le retrait de Raoul Girard de la vie politique libère deux postes, au Conseil communal et au Grand Conseil, pour les viennentensuite des listes PS des dernières élections.

Pour l’Exécutif bullois, Sébastien Lauper est le premier concerné. «Sur le principe, je suis intéressé. Mais c’est quand même un engagement assez fort, et pas mal de choses ont évolué pour moi, au niveau familial et professionnel, depuis l’élection de 2016.» Ingénieur au Service de la forêt et de la faune, Sébastien Lauper doit notamment en discuter avec son chef de service. La section bulloise a jusqu’en mai pour prendre une décision.

Au Grand Conseil, le siège de Raoul Girard pourrait être occupé par Serge Castella. Mais le professeur de français du Collège du Sud semble plutôt hésitant. «Je déciderai après les fêtes. Mais je ne voudrais pas réduire mon temps de travail et j’ai des projets qui me tiennent à cœur, notamment avec la troupe de théâtre du Collège.» Il se dit aussi déçu par plusieurs décisions prises au Grand Conseil ces deux dernières années. «La loi scolaire sur le secondaire 2, par exemple, c’est digne du XVIIIe siècle. Sans les Lumières!» A bientôt 60 ans, il hésite à laisser la place à des gens plus jeunes. «Surtout de cette qualité!» Le compliment s’adresse à
Grégoire Kubski, deuxième des viennent-ensuite. L’avocat prépare actuellement les examens du barreau. «Je suis intéressé, le cas échéant.»

Un nouveau 2e vice-président

La question de la vice-présidence du Grand Conseil se discutera au sein du bureau. «Nous sommes dans le même cas de figure que lorsque Georges Godel, alors vice-président, a été élu au Conseil d’Etat, note Pierre Mauron, chef du groupe PS. Le deuxième vice-président avait pris sa place. Le Parlement avait ensuite choisi un nouveau deuxième vice-président.» Qui voitil pour ce poste? «Je ne donnerai aucun nom, mais j’espère que l’élection aura lieu à la session de février déjà.»

Un poste sera également à repourvoir à l’influente commission de finances et de gestion. «Il faudra du temps pour former un député du calibre de Raoul Girard, aussi influent sur les questions financières», souligne Pierre Mauron. Ils siègent l’un à côté de l’autre depuis 2006. «Nous avons été élus en même temps. C’est un collègue, mais aussi un ami. Beaucoup le voyaient en orbite pour le Conseil d’Etat, même si Raoul ne l’a jamais dit.»

Il respecte sa décision. Mais elle montre, selon lui, le côté dur de la politique. «On est attaqué et les mandats prennent souvent sur les heures de sommeil et le temps passé avec sa famille et ses amis.» Pour Benoît Piller, président cantonal du PS, Raoul Girard aurait pu concilier sa nouvelle fonction avec la politique. «C’est une perte pour nous. Il est très habile et intelligent en politique. Mais une carrière, c’est toujours un peu une histoire d’alignement des planètes.» Avec l’élection de Didier Castella au Conseil d’Etat, y avaitil encore une place pour un autre homme gruérien au Conseil d’Etat?

Le syndic de Bulle Jacques Morand se dit très content du choix de Raoul Girard. «Le poste de secrétaire général est des plus importants. Après la procédure de sélection, nous avons choisi le meilleur profil parmi plus de 120 dossiers.» Il n’est pas temps, à ses yeux, de discuter d’une nouvelle répartition des dicastères communaux. «Nous perdons un bon conseiller et le vice-syndic, mais personne n’est irremplaçable. Nous trouverons quelqu’un de compétent pour lui succéder aux finances.» XS

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