Le temps de la réflexion pour la «Gruyère, verte et urbaine»

jeu, 21. fév. 2019

PAR SOPHIE ROULIN

A l’heure de dessiner son avenir pour les trente prochaines années, la Gruyère prend le temps de la réflexion. Ce vendredi après-midi, se tiennent les 6es Etats généraux de l’Association régionale la Gruyère (ARG). La thématique se veut transversale: «La Gruyère, verte et urbaine». Avec une volonté de poser les bonnes questions en vue de l’élaboration du Plan directeur régional.

Chercheuse auprès du Center for Regional Economic Development (CRED) de l’Université de Berne, la Gruérienne Delphine Rime s’est penchée sur sa région dans le cadre de ses travaux. Chargée d’introduire la thématique de ces Etats généraux, elle en détaille les enjeux.

Quelle est votre perception de la Gruyère en tant qu’observatrice avertie?

Delphine Rime. Notre région présente un panachage de situations. On parle d’une région productivo-résidentielle. Elle présente d’une part une forte industrie que l’on doit aux décisions politiques prises à la fin du XXe siècle et au dynamisme insufflé pour attirer cette industrie. D’autre part, la Gruyère présente une forte attractivité résidentielle. On la constate par l’arrivée de nouveaux habitants, mais aussi par le fait que les locaux restent. Souvent, on a tendance à se focaliser sur les emplois industriels et on oublie le reste. Alors qu’une économie résidentielle s’appuie justement sur le reste.

Le reste?

L’environnement, le paysa ge, l’offre culturelle, les commerces et les services à disposition, l’offre de loisirs sont autant d’éléments qui comptent et qui jouent un rôle économique. Il y a trente ans, tout cela n’était qu’un à-côté et les politiques publiques n’avaient pas besoin de le coordonner. Elles construisaient une zone industrielle, faisaient de la promotion économique, assuraient une certaine accessibilité et jouaient sur les impôts. Aujourd’hui, bien d’autres aspects entrent en ligne de compte et il faut les coordonner.

C’est justement le rôle du futur Plan directeur régional…

Oui, mais un Plan directeur détermine des zones et donne des directions générales. Il n’en sortira pas de solutions hyperdétaillées dont tout le monde sera content. Le développement est un processus, pas une solution figée. Et le fait qu’on intègre les acteurs locaux, qu’on réfléchisse ensemble à des solutions propres à la région, tout cela va dans le bon sens. Il y a trente ans, les politiques ont agi dans l’urgence et les décisions ont été prises de manière plus péremptoire.

Pas toujours pour le meilleur…

Si on considère la situation actuelle et qu’on la compare à celle d’autres régions, ils ont plutôt bien fait. A l’époque, ils devaient trouver comment éviter que la région se dépeuple. On constate qu’ils ont dépassé tous les objectifs qu’ils s’étaient fixés. Au niveau des services aussi, si on pense à l’éducation, par exemple, ce n’était pas gagné. S’il n’y avait pas eu le Collège du Sud, à Bulle, est-ce que la région aurait eu le même attrait?

Alors, bien sûr, on peut leur reprocher certaines choses. Mais il ne faut pas oublier qu’entre-temps les modes de vie ont changé, évolué, et, avec eux, les demandes aussi. Surtout, les gens sont devenus très mobiles et ça, personne ne pouvait l’anticiper, pas plus ici qu’à Genève.

Une des thématiques abordées vendredi concernera justement le positionnement de la Gruyère par rapport aux régions voisines.

Oui, ici comme ailleurs en Suisse, les habitants sont en majorité des pendulaires. Et on retrouve cet aspect de région comme cadre de vie. Dans les relations avec l’extérieur, le caractère vert de la région ressort très fortement, alors que dans les relations à l’intérieur de la région, les critiques sur une urbanisation qui serait allée trop loin, trop vite, apparaissent. D’un point de vue économique, la Gruyère verte et urbaine, cela suppose des problèmes à résoudre, mais cela constitue aussi une ressource pour le développement.

Cette verte Gruyère n’est plus seulement pourvoyeuse de produits agricoles, mais d’un paysage et d’aménités culturelles qui profitent à diverses activités, toutes ayant plus ou moins trait à la qualité de vie des habitants, des visiteurs externes et des consommateurs.

Une réalité qu’il faut encore combiner avec celle des besoins de l’industrie, de l’agriculture ou encore des activités touristiques…

Une manière d’aborder la problématique est d’y réfléchir en termes d’offre et de demande: le territoire constitue une offre, à l’échelle de la région et à celle des localités. A chaque échelle, l’offre doit correspondre à une demande qui a grandement évolué ces deux dernières décennies dans tous les domaines. Le futur Plan directeur devrait constituer une offre afin de répondre à ces demandes combinées. C’est complexe! Mais y réfléchir est le seul moyen de trouver des solutions propres à la région et pourquoi pas des solutions innovantes. ■


Cet équilibre qu’il faut préserver

A l’heure de la globalisation, l’échelle régionale est-elle la bonne pour mener cette réflexion?

Delphine Rime. Si on réfléchit à une échelle trop large, on court le risque de se perdre. L’espace fonctionnel aujourd’hui est à cette échelle du district. Les gens qui habitent n’importe où en Gruyère profitent des commerces et des services proposés à Bulle, même si on observe un mouvement pour faire vivre certaines activités dans les villages.

Certains villages craignent de se retrouver figés à cause des nouvelles directives en matière d’aménagement. Comprenez-vous ces craintes?

La réalité légale, avec la nouvelle Loi sur l’aménagement, est ce qu’elle est. Et, en Gruyère, elle avait plutôt été bien soutenue lors de la votation. Mais c’est pour cela que les discussions sur le Plan directeur régional et sur l’éventualité d’une commune unique sont importantes. L’équilibre doit être trouvé à l’échelle de la région. A l’époque où 70% de la population vivait de l’agriculture, chaque commune pouvait réfléchir de son côté. Mais aujourd’hui les espaces fonctionnels se sont élargis, alors que les espaces institutionnels sont restés les mêmes, à quelques fusions de communes près. D’où cette nécessité de réfléchir à l’échelle de la région, ce qui se fait déjà pragmatiquement en Gruyère avec l’ARG pour un certain nombre de dossiers comme les EMS ou les services sociaux.

Quid des tensions entre ville et campagne?

Les tensions se situent plutôt entre les modes de vie urbain et rural. En Gruyère, il y a une centralité à Bulle, mais des gens qui vivent en mode urbain, on en trouve partout, aussi bien à Crésuz qu’à Lessoc. Les campagnes qui sont devenues très résidentielles sont quelque part très urbaines. Mais la Gruyère, Bulle y compris, reste une région périphérique. On le voit en analysant le profil des emplois qui montrent qu’il y a encore très peu d’emplois du secteur tertiaire à forte valeur ajoutée.

Y a-t-il une chance pour que cette donnée change?

Ce n’est que mon avis, mais je pense que oui. Parce qu’il y a les éléments de qualité de vie qui attirent des résidents. A l’avenir, cette tendance devrait encore s’accentuer avec une importance accrue du télétravail, d’une mobilité encore plus grande. Les gens auront encore plus envie d’être dans un cadre qui leur convient. Cela devrait attirer des ingénieurs, des cadres ou alors des grosses fortunes. Pour autant qu’on trouve des solutions afin de préserver l’équilibre. SR


Conférences ouvertes au public

Après la conférence introductive de Delphine Rime, quatre intervenants prendront la parole ce vendredi sur la scène de l’aula du CO de Riaz. Alain Segessemann, adjoint scientifique à l’Institut du management des villes et du territoire de la Haute Ecole de gestion Arc, Neuchâtel, tentera de répondre à la question «De l’économie productive à l’économie résidentielle: quelle orientation retenir pour la région de la Gruyère?»
Enfant du pays et chef de la division marketing et events de Présence Suisse, Alexandre Edelmann évoquera sa perception de la Gruyère et de la Suisse en général. Un éclairage dont l’intitulé est «Air pur et innovation: une opportunité pour la perception de la Suisse». Jean Ruegg, professeur de politiques territoriales à l’Université de Lausanne, lui succédera pour évoquer la mise en œuvre de la LAT et les enjeux d’échelle entre commune, district, canton et Confédération. Enfin, Tamar Hosennen, cheffe de projet auprès de Regions-und Wirtschaftszentrum Oberwallis AG, viendra présenter les solutions privilégiées par sa région pour faire face aux défis actuels.

Une table ronde, animée par notre rédacteur en chef François Pharisa, réunira les différents intervenants que rejoindront encore Jacques Blanc, responsable stratégie et développement auprès de BDO SA, mandaté par l’ARG pour la réalisation d’une étude de faisabilité sur la fusion de communes à l’échelle du district, Alain Renaud, géographe et urbaniste auprès d’Archam & Partenaires SA, mandaté par l’ARG pour la réalisation du Plan directeur régional, et le préfet Patrice Borcard. Ces différentes conférences ainsi que la table ronde sont ouvertes au public. SR

Riaz, aula du CO, vendredi 22 février, de 13 h 30 à 17 h

Commentaires

Intéressant article, merci, cependant 2 choses interpellent le citoyen averti: 1) le choix du lieu pour cette conférence: réfléchir ensemble à l'aménagement dans un lieu qui n'a pas fait l'objet d'une telle réflexion, début de construction sans PAD et toujours pas de permis de construire. C'est comme un cours de préparation à l'accouchement dans les locaux d'Exit... 2) la plus-value de la présence de Monsieur le Préfet, personne ne se donnant pas les moyens de ses ambitions et manifestement incapable d'échanger quelques centaines de mètres carré pour aménager convenablement les accès du CO de Riaz. Sur ce projet: servir la jalousie ou travailler au bien public, son choix a été fait. Bonne chance pour la suite!

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