Les colonies à bas prix frisent la saturation

| mar, 23. jui. 2019
Comme dans la chanson de Pierre Perret, les jolies colonies de vacances continuent à séduire les familles. ARCH - V. LEVRAT

PAR QUENTIN DOUSSE

«On affiche complet depuis longtemps. Mais, cette année, on ne sait pas ce qu’il s’est passé. Le succès a été gigantesque! Une fois les 39 places attribuées, on a encore dû refuser plus de 140 enfants. Contre une cinquantaine habituellement.» Jean-Claude Schuwey est un responsable à la fois comblé et «mal à l’aise» face au succès du camp d’été des Amis de Terre-Rouge, qui s’est terminé il y a dix jours dans le Petit-Mont. «Cela ne me fait pas plaisir, mais je dois tout faire pour enregistrer moins d’inscriptions», regrette le Tourain.

Bien qu’inédite par son ampleur, cette situation illustre l’engouement constant, voire grandissant, pour les jolies colonies de vacances. Car oui, comme le chantait Pierre Perret, tous les ans les enfants – ou leurs parents, c’est selon – veulent que ça r’commence. Une tendance qui se vérifie dans le sud du canton, et d’autant plus en juillet lorsque de nombreux parents travaillent encore. Au point que l’offre, en particulier celle des camps à bas prix, répond difficilement à la demande. «C’est clair, selon moi: dans notre modèle, l’offre est insuffisante aujourd’hui», appuie Jean-Claude Schuwey.

«C’est de la folie»

A l’ère du tout numérique, la tradition de la colonie d’été friserait donc la saturation. Une hypothèse invérifiable dans les chiffres, puisque le canton ne tient aucune statistique d’affluence, seulement une liste (non exhaustive) des possibilités sur le territoire fribourgeois. Mais il est permis d’avancer que le marché touche gentiment à ses limites face à un public conquis et demandeur. C’est du moins ce qu’indique notre pointage réalisé auprès de plusieurs camps organisés dans la région: les places s’écoulent facilement et s’arrachent même, dans certains cas.

«C’est de la folie», témoigne Thomas Ruffieux, cofondateur et responsable du Toucamp en Veveyse. «Nos inscriptions ouvrent le 8 décembre à 8 h. Le soir même, les 64 places sont prises. Notre camp a toujours bien fonctionné depuis le début, en 2014. Mais le succès s’est encore accentué ces deux dernières années.»

Pour le Remaufensois de 27 ans, comme pour les autres responsables interrogés, un critère essentiel décide de la réussite – ou non – d’un camp estival: son prix. «Notre but est de rester accessible à tous. Chez nous, l’argent ne doit donc pas être un problème. Cette année, par exemple, grâce au soutien des communes et entreprises veveysannes, nous avons pu offrir le camp à quatre enfants qui n’en avaient pas les moyens.» S’il se veut solidaire, le Toucamp n’est pas le moins cher. Il fallait débourser 300 fr. pour participer au riche programme d’activités du camp, tenu la semaine dernière à Ballaigues.

Le choix de la simplicité

Face à la demande pas toujours satisfaite des familles, d’autres organisations proposent des variantes à un prix quasi imbattable – dès 130 fr. la semaine. C’est le cas notamment de l’Œuvre suisse d’entraide ouvrière, qui prendra ses quartiers pour la première fois à Charmey début août, ou encore de l’Association des amis de Terre-Rouge.

Cette dernière, consciente que «le prix peut être un obstacle», a fait le pari (gagnant) de la simplicité. «On ne fonctionne pas avec une liste d’activités imposées, explique Jean-Claude Schuwey. C’est la météo et l’état des participants qui décident du programme. On est même “contents” si on fait le moins de choses possible. Car ce qu’on veut avant tout, c’est être et jouer un maximum avec les enfants, sans contrainte horaire et en se laissant vivre hors du temps.»

Outre leur prix, les colonies de vacances bénéficient également de leur renommée pour conserver le succès, été après été. A l’image de la colonie des Ecureuils à Romont, elle aussi «complète» pour ses deux semaines de juillet, qui perpétue la tradition des camps depuis cinquante ans.

Les Amis de Terre-Rouge fêtent, eux, leur 70e année en 2019. Avec comme «cadeau», un avenir qui paraît assuré dans un marché saturé des camps d’été à bon prix. ■


Des organisateurs face à de multiples défis

Les différents responsables contactés dressent le même constat: si l’offre de colonies de vacances dans la région n’est pas plus étoffée, c’est d’abord en raison du défi organisationnel qu’elles représentent pour des moniteurs très souvent bénévoles. «Il faut réussir à les trouver, car l’investissement avant et pendant la semaine est important, confirme Thomas Ruffieux, coresponsable du Toucamp. Autre chose qui peut faire peur, les responsabilités. Les gens en prennent de moins en moins. Sans parler des parents devenus plus exigeants sur cet aspect-là.» Résultat: certaines organisations tirent la prise en dépit d’affluence bonne à excellente. Ce fut le cas en 2017 de Viva Gruyère, qui a arrêté ses camps après dix-sept ans d’activité. «A cause notamment d’une fin de cycle chez nos moniteurs (défrayés, eux), se rappelle Maxime Pasquier. Encadrer un camp est très prenant en énergie et il peut y avoir un essoufflement.» Le Bullois, qui reprend aujourd’hui la gestion des trois sites de vacances de Viva Gruyère, relève lui aussi le souci permanent de la responsabilité pesant sur les épaules de l’organisateur. «Comme moniteur, on avait l’impression d’avoir une épée de Damoclès au-dessus de la tête, toujours en train d’imaginer le pire (l’accident) pour un enfant. Typiquement lorsqu’on allait à la piscine. Des personnes doivent se porter garantes et, avec la juridiciarisation des structures, cela devient compliqué», conclut Maxime Pasquier. QD

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