PAR THIBAUD GUISAN
Les comtes de Gruyère ont retrouvé leur place au château. Jusqu’alors discrets – ils n’ont pas été portraitisés de leur vivant – les souverains ont désormais leur arbre généalogique. Le tableau a été réalisé et vient d’être offert par l’Institut fribourgeois d’héraldique et de généalogie. Il est logiquement présenté dans la salle des comtes, au premier étage du château de Gruyères.
«Nous avons été approchés il y a quatre ans, exposait le conservateur Raoul Blanchard, en conférence de presse. C’était l’occasion de mettre en lumière cette généalogie. Car, pour les visiteurs, c’est quelque chose de nébuleux. On parle surtout des comtes Louis ou Michel, mais peu des autres.» Le premier, souverain de 1475 à 1493, est un des héros de la bataille de Morat. Le second est le dernier à avoir régné sur le comté, de 1539 à 1554.
Le comte oublié
L’arbre généalogique permet justement à un oublié de l’histoire comtale de retrouver ses lettres de noblesse: Jean de Montsalvens, qui a régné au côté de son frère aîné Pierre IV de 1342 à 1366. Ainsi, du XIe au XVIe siècle, du comte Wilerius au comte Michel, Gruyères a donc bien totalisé 20 souverains et non 19, comme souvent mentionné par erreur. «Jean de Montsalvens est souvent oublié», relève Raoul Blanchard, qui présente ce panneau explicatif comme une synthèse des connaissances de l’histoire familiale du comté. Une dynastie représentant 17 générations.
Originalité, le tableau généalogique présente des personnages de l’ombre: les épouses des comtes, les époux des sœurs des comtes et les épouses des frères des comtes. «Au fil du temps, les épouses se trouvent dans un espace toujours plus vaste», commente Pierre Zwick, président de l’Institut fribourgeois d’héraldique et de généalogie.
La famille comtale de Gruyère s’allie d’abord à d’illustres familles des régions voisines: les de Grandson, de Blonay, d’Aubonne, de Billens, d’Oron… Autant de mariages qui permettront de futures extensions territoriales. «Ensuite, le mariage de Pierre III, comte de Gruyère de 1307 à 1342, avec Catherine de Weissenbourg permet une expansion territoriale vers le Haut-Simmental vers 1340», expose le généalogiste.
Vers 1500, le comté de Gruyère vit son âge d’or. En témoignent de nombreux mariages avec des familles étrangères: de Savoie, du Bugey (entre Lyon et Genève), de la vallée d’Aoste, du Piémont, de Franche-Comté, de Bourgogne et du Valentinois (Drôme).
De la pintade à la grue
Dès le XIIIe siècle, les armoiries font leur apparition dans la noblesse. La famille comtale de Gruyère s’approprie la grue, symbole de longévité et de fidélité. Sa représentation évolue: on passe d’un oiseau proche de la pintade – dixit Pierre Zwick – à une grue essorante (prenant son envol, en héraldique), en passant par une grue «au garde à vous».
Le nouveau tableau généalogique du château de Gruyères rappelle que les frères et sœurs cadets des comtes sont souvent envoyés au couvent ou dans les ordres religieux: les uns sont chanoines de Lausanne, un autre est nommé abbé d’Hauterive, d’autres encore deviennent prieurs de Bellevaux, de Rougemont ou de Broc, ou protonotaires apostoliques (officiers du Saint-Siège).
«Généalogie moderne»
L’Institut fribourgeois d’héraldique et de généalogie (120 membres) a confié la réalisation graphique du tableau à Diana Rachmuth. «Nous avons voulu quelque chose de sobre, note Pierre Zwick. Cette opération de quatre ans nous a permis de montrer ce que peut être l’apport de la généalogie moderne au grand public.»
Dans ses recherches, les spécialistes se sont replongés dans les archives. Egalement dans les ouvrages de Jean-Joseph Hisely qui, au milieu du XIXe siècle, publiait L’Histoire du comté de Gruyère en trois tomes (1851-1857) ainsi que deux volumes reproduisant des documents historiques (chartes, etc.).
Commentaires
Claude Chassot (non vérifié)
ven, 07 aoû. 2015
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