Quelle place pour le stationnement?

| jeu, 22. nov. 2012
La ville de Bulle s'interroge sur ses parkings
Le concept de stationnement de la ville de Bulle est critiqué de toutes parts. Les commerçants dénoncent des suppressions de places et s'estiment trahis par le Conseil communal, tandis que le canton estime que la commune manque d'ambition.

PAR JEAN GODEL
Voilà un débat qui promet de ne pas tourner longtemps en rond avant de trouver sa place. Décidée à chaud, à peine terminée la séance du Conseil général du
29 octobre dernier (La Gruyère du 3 novembre), la soirée organisée ce jeudi (22 novembre) par le PLR de Bulle et La Tour-de-Trême s’attaque à un gros os, déjà bien rongé: le stationnement et la mobilité à Bulle. Plusieurs étincelles ont mis le feu aux poudres.


Les étincelles
Il y a eu d’abord le concept de gestion du stationnement de Bulle, partie intégrante du Plan d’aménagement local (PAL) en cours de révision. Un concept pour l’heure retoqué par le Service de la mobilité. Ce qui fait bondir le PLR, c’est la diminution de 200 places de l’offre de parcage que ce concept prévoit au centre-ville à moyen terme (La Gruyère du 22 septembre). Une «bombe» passée inaperçue lors de sa publication en 2011.


Autre bâton de dynamite: la réponse encourageante du Conseil communal au conseiller général socialiste Nicolas Rime, lequel propose de créer un park+ride gratuit sur les parkings existants de la Coop du Câro à Bulle et de la Migros de La Tour-de-Trême. «On voudrait encourager les gens à aller faire leurs courses dans les centres commerciaux qu’on ne s’y prendrait pas autrement», fustige le conseiller général libéral-radical et commerçant Pierre-Yves Lüthi, l’un des initiateurs du débat.
Dernier pain de TNT, les mesures d’accompagnement de la H189, en cours d’aménagement, qui continuent de peser sur le débat. Avec en filigrane la limitation du trafic au centre-ville de Bulle, leur but ultime. «Ça part dans tous les sens», siffle le même Pierre-Yves Lüthi.


Centres commerciaux favorisés
Dans son invitation au débat de ce jeudi soir, le PLR conditionne l’attractivité des commerces du centre à leur accessibilité, donc à un nombre suffisant de places à proximité: «Le stationnement est une des composantes indispensables au bon fonctionnement économique du centre-ville.» Un argumentaire calqué sur celui du Groupement des commerçants de Bulle et La Tour-de-Trême (CBLT).
Le PLR dénonce aussi «le dé-séquilibre» de l’attractivité des offres de parking entre le centre-ville et les grandes surfaces. Les commerçants se disent même victimes d’une différence de traitement. «Les grandes surfaces peuvent garder leurs parkings surdimensionnés en périphérie et nous, nous devrions perdre 200 places au centre?» s’indigne Valérie Schmutz, présidente du CBLT. Qui précise bien qu’il n’est pas question de lancer ici une bataille contre les grandes surfaces.


Parole non tenue
Le Groupement des commerçants se sent en outre trahi par le Conseil communal de Bulle avec lequel une convention avait été scellée selon laquelle le nombre de places de stationnement serait maintenu après le réaménagement du centre-ville. «Cette convention n’a visiblement pas été respectée», assène Valérie Schmutz. Elle en veut pour preuve la suppression, çà et là, de quelques places au profit d’arrêts de bus ou de parkings à vélos.


A la Ville, on ne nie pas ces suppressions, d’ailleurs annoncées «au gré des opportunités» dans le concept de stationnement. Mais on rappelle que la construction du parking de Bulle Centre a compensé les places perdues, notamment à la rue de la Vudalla (hors périmètre du centre historique) où se construit la nouvelle école de la Condémine.


Marge de manœuvre
Ce qui fonde l’action de Bulle, c’est l’existence d’une marge de manœuvre révélée par le concept de stationnement. En effet, le taux d’occupation maximal moyen des places se situe entre 70 et 75% pour l’ensemble du centre historique. Seul le secteur place des Alpes/avenue de la Gare est continuellement saturé ainsi que tout le centre lors du marché folklorique l’été.


D’où ce constat: primo, il y a assez de places au centre pour en garantir la vitalité; deuzio, à plus long terme, on peut envisager d’en supprimer encore. D’autant plus que, depuis que les relevés à la base du concept de stationnement ont été effectués en 2006, la H189, les lignes de bus Mobul et un plan d’action en faveur de la mobilité douce ont été lancés.
Le CBLT dénonce, lui, l’ancienneté de ces relevés et, sûr de la saturation de tout le centre, en demande de nouveaux.


Qualité de vie
Au Département technique de Bulle, Jean Hohl, son responsable, remet l’église au milieu du village: «Limiter le nombre de places n’est pas un but en soi. L’objectif, c’est le respect des directives légales en matière de lutte contre la pollution de l’air et contre le bruit. Plus globalement, c’est la bataille pour une meilleure qualité de vie à Bulle.»


S’ajoutent à ces contraintes les limites physiques d’une ville en plein essor démographique. Or, là où Jean Hohl prône le pragmatisme («on n’arrive pas à faire passer plus de voitures»), les commerçants réclament le statu quo: «Il n’y a aucune raison que la lutte contre la pollution se concentre au centre-ville», rétorque Valérie Schmutz.


Réorganiser l’offre
La ville met aussi en avant une nouvelle gestion du stationnement. Des mesures à court terme qui visent une offre plus performante: temps de stationnement différencié selon l’emplacement, alternatives pour les longues durées aux abords du centre, vignettes pour habitants et employés, renforcement des contrôles pour augmenter le taux de rotation – les voitures ventouses occupent 15 à 20% des places du centre… Au final, Jean Hohl se désole devant ce constat d’incompréhension: «Tout ce qu’on fait, c’est dans l’intérêt des commerçants du centre!»

 

«Bulle manque d'ambition»

Là où les commerçants bullois jugent leur ville trop volontariste avec son concept de gestion du stationnement, le Service de la mobilité à Fribourg la trouve bien frileuse. Il a d’ailleurs préavisé négativement le document. «Nous estimons que Bulle manque d’ambition eu égard à l’objectif d’une meilleure qualité de vie qu’elle s’est fixé dans son Plan d’aménagement local et son Plan d’agglomération», résume Micaël Tille, chef de la section Planifications au Service de la mobilité du canton.


En tous les cas, précise le spécialiste, ce n’est pas le canton qui a exigé une diminution de 200 places de stationnement au centre-ville: «Nous ne sommes pas là pour exercer un quelconque diktat sur Bulle. Nous nous assurons simplement de la cohérence des outils mis en œuvre par rapport aux objectifs fixés.» En clair, Bulle est placée devant ses responsabilités. Pour l’heure, la commune a demandé un délai pour mieux juger les effets de la H189, de ses mesures d’accompagnement et de la nouvelle gestion du stationnement (La Gruyère du 25 octobre).


Cette critique, Jean Hohl, chef du Département technique de la ville, l’assume pleinement: «Avec notre concept, nous avons tellement bien montré qu’il y avait assez de places de stationnement à Bulle que le canton estime que nous n’en avons pas assez enlevé pour garantir le transfert modal, l’un des buts de notre politique.»

Transfert modal. Le mot est lâché. Comprendre: changement de mode de déplacement, de la voiture aux transports publics ou à la mobilité douce. Comprendre surtout: changement de mentalité. «Objectivement, il n’y a pas de problème de parcage à Bulle, insiste Micaël Tille. De gros village qu’elle était, Bulle est devenue une ville. Et dans une ville, on a l’habitude de ne pas pouvoir se garer devant chaque commerce. Mais à Bulle, le changement de mentalité n’a pas encore opéré.»


Ayant longtemps vécu à Paris, Valérie Schmutz, présidente du Groupement des commerçants de Bulle et La Tour-de-Trême (CBLT), ne s’en laisse pas conter. Et prend l’exemple du parking de Bulle Centre, déserté par la clientèle. «On ne peut pas changer la mentalité d’un coup. Un parking couvert, c’est un objet urbain. Or, à Bulle, nous ne sommes pas des urbains! Il faudra dix ans pour s’y faire, à ce parking.»

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