Sous le regard de l’humoriste français Christophe Alévêque

| jeu, 13. déc. 2012
L’humoriste et comédien Christophe Alévêque a rendu visite à La Gruyère. Il a accepté de commenter quelques articles de l'édition de jeudi. Pour un Français, lire les informations régionales suisses paraît «vraiment décalé et rafraîchissant».

PAR ERIC BULLIARD


Comme la plupart des bonnes idées, celle-ci est partie d’une conversation de bistrot. Plus précisément avec le patron d’un café-bar bullois. «Vous n’étiez pas hier soir au spectacle de Christophe Alévêque à Fribourg? C’est dommage, il avait La Gruyère en mains, il vous a bien allumés…»
Ça tombe bien: l’humoriste et comédien français revient à Fribourg, au Bilboquet. Pourquoi ne pas l’inviter à la rédaction, pour qu’il nous fasse part en direct de ses commentaires? En deux ou trois coups de téléphone, tout était réglé pour accueillir cet observateur caustique de l’actualité, créateur du personnage de Super Rebelle.
Au briefing matinal où sont annoncés les sujets du lendemain, dans le sous-sol qui nous sert de salle de réunion («en cas de conflit, vous êtes tranquilles…»), la conversation démarre d’emblée sur l’article de notre journal qui a tout déclenché. Il évoquait Capital risque Fribourg, une société qui finance des projets de start-up. Christophe Alévêque n’en revient toujours pas: «Jamais on ne verrait ça en France…»
Très vite, d’autres articles à venir le titillent. Des cigognes dans le Pays-d’Enhaut, par exemple. Ou Vuadens, qui refuse, puis accepte l’implantation d’une entreprise. Sans oublier cette commune où les citoyens ont voté pour une hausse d’impôts: «Des gauchistes suisses!»
Le temps de rédiger les commentaires distillés dans ces pages et voici déjà l’heure d’un bilan de la matinée: «En voyant ça de l’intérieur, je me rends compte à quel point cette presse régionale est utile, relève Christophe Alévêque. Le regard que je porte sur les articles n’est pas le même que si je feuillette simplement le journal.» Tiens, et nous qui pensions qu’il allait nous égratigner…


Et la crise?
Ce qui ne change pas, en revanche, c’est ce sentiment de se trouver à mille lieues de l’actualité française: «Les événements et les informations apparaissent vraiment décalés par rapport à ce que nous vivons en France. Chez nous, si vous enlevez les pages consacrées à la crise, vous enlevez la moitié du journal…»
Peut-être est-ce simplement dû au fait que La Gruyère ne traite que d’information régionale? «Je ne m’en suis même pas rendu compte! Je ne vois pas vraiment de différence entre les problèmes régionaux et nationaux. Quand on se plonge dans les détails, dans quelque chose de très ciblé, la problématique est la même: que ce soit dans un ménage ou dans un pays, une dette reste une dette…»


«Rafraîchissant»
A l’entendre, la presse régionale aurait un rôle à jouer, bien précis: «Elle nous plonge dans la vie de tous les jours. Alors que notre société devient de plus en plus virtuelle, là, il y a des repères, des ancrages dans la réalité, dans la ville, le village, la région qu’on habite. Au niveau national, tout reste dans la théorie, à coups de “il faudrait que”, “y’a qu’à”, “on pourrait”…  Quand je lis la presse nationale française, j’ai l’impression de lire une fiction à épisodes.»
De la fiction à la réalité, de l’évanescent au concret: «Ici, on se rend compte que, quand des problèmes existent, on peut trouver des solutions. C’est rassurant et rafraîchissant. Et peut-être que ça n’a l’air de rien, mais c’est important: un hôpital qui ferme, une école qui ouvre, une route qui se construit, ça change la vie des gens.»


«Parodie de démocratie»
En nous rendant visite en plein mois de décembre, Christophe Alévêque ne pouvait passer à côté d’une des réjouissances hivernales du journaliste local: les assemblées communales. Nouvel étonnement: «En France, tout est beaucoup plus opaque. C’est une parodie de démocratie, du genre: “On écoute tout le monde, mais après, on fait comme on a dit…” Et une fois que tu as voté, tu en prends pour cinq ans… Chez nous, il y a zéro référendum. La dernière fois, c’était pour la Constitution européenne: elle a été refusée à 55% et elle est passée quand même…»
Pas étonnant, dès lors, qu’on assiste à un «désintérêt, sauf pour la présidentielle, parce que c’est un spectacle». Christophe Alévêque y a d’ailleurs participé, avec son personnage de Super Rebelle, qui s’est lancé dans une campagne caricaturale, satirique. «J’ai senti que les gens sont désabusés face à la classe politique. C’est grave, parce que ça laisse la porte ouverte à un peu n’importe quoi.»
Et ce n’est pas le retour des socialistes au pouvoir qui semble pouvoir changer quelque chose… Homme de gauche, il résume son sentiment d’une phrase: «Je n’en attendais rien, mais ils arrivent à me décevoir quand même.»
Quelques échanges encore sur la Suisse, le public d’ici, «chaleureux, qui vient au spectacle sans a priori», puis sur les humoristes romands. Sur Bergamote, qu’il a découvert récemment, et sur Zouc, qu’il admire depuis très longtemps. L’heure tourne, une fondue nous attend. Comment mieux clore une rencontre qu’en évoquant l’immense, l’irremplaçable Zouc, qui, il y a quelques années, affirmait «espérer exister dans la mémoire des gens»?

Commentaires

Quelle chance vous avez eu. Le grand Alêvèque. J'espère que vous n'en attendiez rien, mais qu'il ne vous a pas déçu. Ou en bien. A bientôt

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