La traque aux cerfs irrite gardes-faune et habitants

| mar, 05. fév. 2013
photo Claude Haymoz
De nombreux curieux viennent observer les cerfs dans leur zone d’hivernage. Sans beaucoup d’égards, certains roulent sur des routes privées et éclairent les animaux avec leurs phares. Stressés et affaiblis, les cerfs se réfugient en forêt.

PAR ANGELIQUE RIME


«Trois véhicules tout-terrain tournaient dans le pré à la poursuite des cerfs en les éclairant avec leurs phares!» s’exclame Michel Pharisa, garde-faune dans les régions de Broc et de l’Intyamon. La scène pourrait sortir tout droit d’un film d’animation hollywoodien. Elle s’est pourtant déroulée, il y a peu, entre la plaine des Marches, l’aérodrome d’Epagny et la région d’Estavannens et de Grandvillard.
Chaque hiver, environ deux cents cerfs prennent leurs quartiers dans cette zone, qui s’étend de Broc à Lessoc, en passant par Enney, Villars-sous-Mont et même sur les hauts de Gruyères. «Ce sont des animaux en transhumance. Ils viennent pour certains du canton de Vaud ou de Berne. L’été, ils se trouvent dans la région de  Boltigen, Gstaad ou du barrage de l’Hongrin et vont même jusqu’au col du Pillon. Tandis que l’hiver, ils viennent dans la région de l’Intyamon pour trouver de la nourriture», explique le garde-faune.


Cinq véhicules dénoncés
Et cette importante concentration de cerfs attire les curieux, qui viennent de tout le canton, Singine, Broye ou encore Glâne. «Il y a deux semaines, un vendredi soir, nous avons compté une quarantaine de voitures dans la plaine des Marches», décrit Michel Pharisa.
Si le garde-faune n’est pas pour interdire l’observation de ces animaux, il dénonce le comportement de certains: «Les gens se croient tout permis. Ils éclairent les animaux avec leurs phares ou empruntent des routes privées avec leur véhicule.» Depuis le début de la période d’hivernage, cinq automobilistes ont déjà été dénoncés. «Nous avons même dû faire appel à une patrouille de gendarmerie pour calmer quelques personnes qui se montraient agressives.»
Jean-Pierre Pythoud, propriétaire de la ferme du Châtelet, un secteur où les cerfs viennent volontiers paître à la nuit tombée, observe régulièrement des conducteurs aux abords de son domaine: «Même s’il s’agit d’une route réservée aux riverains, les gens viennent tourner devant la ferme et font aboyer le chien. Le plus embêtant, c’est lorsque les véhicules manœuvrent dans le pré et font des marques. Surtout au printemps, quand l’herbe est en train de pousser.»


Animaux stressés et affaiblis
Outre les torts causés aux propriétaires, ce sont principalement les animaux qui sont dérangés. «Durant la nuit, le cerf se couche et rumine. Sa température corporelle baisse. Il est au repos. Si on vient le déranger, on lui inflige un grand stress», décrit Michel Pharisa.
Et Roman Eyholzer, chef du Service des forêts et de la faune (SFF) d’ajouter: «Lorsqu’on ne le laisse pas tranquille, le cerf a besoin de plus de temps pour se nourrir et devient plus faible.» Pour échapper aux regards indiscrets des badauds, il se réfugie également dans les forêts, où, normalement, il ne reste que la journée. «Il y mange ce qu’il trouve, c’est-à-dire l’écorce des arbres et cela n’est pas sans poser des problèmes», renchérit Michel Pharisa. Selon Roman Eyholzer, la nourriture qu’il ingurgite alors n’est pas non plus «adéquate» et contribue encore à l’affaiblissement de l’animal.
«Les dégâts ne sont pas uniquement dus aux gens, mais il est vrai que plus ils sont dérangés, plus ils se réfugient en forêt», déclare Alex Beaud, garde forestier dans la commune de Bas-Intyamon.


Sensibiliser la population
«C’est un réel problème auquel je n’ai pas de solution. Il faut miser sur la sensibilisation», commente Roman Eyholzer. Et Michel Pharisa de préciser qu’au début de la saison, les gardes-faune rappellent les règles du jeu en faisant, à une ou deux reprises, de la prévention. «Mais nous n’y allons pas tous les soirs!» Roger Jaquet, président de la Diana de la Gruyère parlera d’ailleurs de ce problème dans son rapport lors de l’assemblée générale de l’association: «Ce point ne figurera pas à l’ordre du jour, mais j’essaierai de faire passer le message.»
Michel Pharisa regrette encore que, parmi les personnes qui dérangent les cerfs, il y a certains chasseurs. «Au vu de leur formation, ils devraient montrer l’exemple et ne le font pas.»
Une accusation à laquelle Roger Jaquet n’est pas vraiment en mesure de répondre: «Je ne vais pas au bord des routes pour contrôler qui observe les cerfs, mais ce ne sont certainement pas que des chasseurs.»

 

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Créer des zones tranquilles
Le Service des forêts et de la faune (SFF) travaille à l’élaboration de zones de tranquillité pour les animaux sur l’ensemble du territoire fribourgeois. «Nous sommes en train d’établir un concept qui devrait être présenté d’ici à la fin 2013. Nous avons déjà déposé une demande au Grand Conseil afin qu’il avalise ou non la démarche», déclare Roman Eyholzer, chef du SFF.  De début janvier à fin avril, ces endroits seraient accessibles uniquement à pied. Les promeneurs devraient rester sur les sentiers et tenir leur chien en laisse.
«Le projet le plus avancé est celui de la Berra, où une zone de tranquillité pour les tétras-lyres est prévue. Pour la région de Broc et de la vallée de l’Intyamon, qui est vaste, nous réfléchissons à l’élaboration de plusieurs petites zones de tranquillité», décrit Roman Eyholzer. Et ce dernier de rappeler qu’il est également nécessaire de ne pas déranger le cerf pendant le brame. «Si cette période s’allonge, les faons naissent dans un intervalle beaucoup plus grand.» AR


 

 


 

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