Par Frank-Olivier Baechler
La première trace connue de la famille Vial remonte à 1404. «On la trouve dans un acte de reconnaissance, à savoir un document fiscal dans lequel les propriétaires terriens reconnaissent devoir à leurs seigneurs un impôt grevant leurs terres», explique Camille Vial.
A seulement 18 ans, la jeune habitante du Mouret semble plutôt bien renseignée. Dans le cadre de son travail de maturité, la collégienne a passé plusieurs dizaines d’heures aux archives de l’Etat, à consulter registres de paroisses, recensements de population et autres documents manuscrits.
«En l’occurrence, cette première mention des Vial était présente dans une grosse de Rue, village voisin de celui de Saint-Martin, dont est originaire ma famille», poursuit la généalogiste, avant de préciser: «Comme elle habitait le lieu-dit Le Jordil, à Saint-Martin, la famille Vial se faisait également appeler la famille Du Jordil. Avant l’officialisation de l’orthographe des noms de famille, en 1876, j’ai aussi trouvé différentes manières d’écrire
notre patronyme: Vyal, Vial, Viaz ou Viard.»
Camille Vial n’a pas trouvé de signification particulière à son nom de famille, mais d’aucuns prétendent qu’il proviendrait du latin Vitalis («qui concerne la vie»), un nom de baptême popularisé par une dizaine de saints martyrs et symboliquement lié à la nouvelle naissance.
Lion ou étoiles?
Ses recherches sur l’écusson familial ont réservé une surprise à la collégienne. «Le blason reçu par mes parents lors de leur mariage représente un lion sur fond rouge. Or, j’ai trouvé aux archives un autre écusson portant le nom Vial, sur lequel figurent trois étoiles sur un fond bleu et blanc. Par la suite, j’ai appris qu’il était courant, dans les années 1960, de se faire fabriquer des armoiries. En réalité, le blason à tête de lion appartenait
à une famille Vial du Dauphiné, en France. Mon grand-père, qui adorait cet animal, a certainement choisi de le reprendre à son compte!»
Limitée en temps, Camille Vial s’est logiquement concentrée sur l’étude de son ascendance directe. «L’ancêtre le plus éloigné dont j’ai retrouvé des traces s’appelle Francis Vial, né à Saint-Martin en 1681. Il se maria le 22 février 1696 avec Claudia Nerat, d’Ursy, et ils eurent au moins un fils, Ludovic.»
Des moulins à la scierie
La collégienne concentre bientôt ses investigations sur le XIXe siècle, à l’origine d’une activité familiale encore bien ancrée: le travail du bois. «L’histoire que les Vial entretiennent avec le bois débute dans les années 1860, lorsque Alexis commence à travailler à la scierie de Matran. Il est le premier Vial
à quitter Saint-Martin. Comme scieur, il fallait déménager souvent pour trouver du travail. A noter que le père d’Alexis, Jean Vial, était meunier. Une profession assez proche de celle qu’exercera son fils, car elles utilisaient la même source d’énergie: la roue à eau.»
Mais l’histoire ne s’arrête pas là. Dans les années 1910, Placide Vial, fils d’Alexis, rachète l’usine Au Stöcky, à Bonnefontaine, où avait travaillé son père. «Le chêne et l’épicéa poussaient en abondance dans la région et les ruisseaux descendant du Cousimbert permettaient d’actionner les roues à eau, principal moteur des usines. Dès le XIXe siècle, l’endroit devint réputé pour le travail du bois», raconte Camille Vial.
Une technique inédite
En 1941, l’entreprise Charpentes Gilbert Vial, du nom du fils de Placide (et grand-père de Camille), est construite à deux pas de la scierie. Les activités sont complémentaires. Le rachat d’une technique innovatrice et inédite en Suisse permet bientôt la construction de structures particulièrement légères. Entre 1958 et 1959, la firme réalise ainsi le coffrage en bois et l’échafaudage du pont du Gottéron.
Malgré les nombreuses avaries – une inondation et plusieurs incendies – qui ont émaillé les premières décennies de son existence, l’entreprise familiale continue son bonhomme de chemin. «Elle a notamment réalisé la patinoire de Fribourg, en 1982, collaboré avec expo.02 et participé à l’élaboration d’un très audacieux jardin botanique, en Angleterre, entre 2006 et 2007», conclut Camille Vial.
Un hommage à ses grands-parents
La première fois que Camille Vial s’est rendue aux archives de l’Etat, elle a eu un choc. «Il n’y avait que des personnes âgées!» Pourtant, la généalogie intéresse de plus en plus les jeunes générations. «Rien qu’au Collège Sainte-Croix, pour notre travail de maturité, nous étions huit à avoir sélectionné ce thème.»
Pour l’habitante du Mouret, le choix s’est fait tout naturellement. «J’ai toujours adoré l’histoire et l’idée d’en apprendre davantage sur ma famille, d’aborder une matière qui me concer-ne personnellement, m’a tout de suite séduite. D’autant que je suis la dernière de ma génération! C’est aussi une façon de rendre hommage à mes grands-parents, qui, en ayant fondé une entreprise encore active de nos jours, ont fait preuve d’innovation et d’avance sur leur temps. Ils sont décédés quand j’étais petite et je voulais, par le biais de ce travail, laisser une trace de leur esprit pionnier.»
En fouillant les albums familiaux, Camille Vial a pu mettre un visage sur de nombreuses personnes qui lui étaient jusqu’alors inconnues. Pendant six mois, elle a régulièrement consulté les archives de l’Etat, les registres de l’ECAB (Etablissement cantonal d’assurance des bâtiments) ou les grosses communales. «Les documents les plus anciens sont très difficiles à déchiffrer. Le travail préliminaire de tri effectué par les archivistes m’a beaucoup aidée.»
Leonardo Broillet, archiviste cantonal adjoint, était d’ailleurs chargé d’expertiser les travaux de ces généalogistes en herbe. «Il était très présent durant nos recherches», apprécie la jeune femme, satisfaite de la note finale de
5,5 obtenue pour son dossier.
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