Par ÉRIC BULLIARD
A l’intérieur, une vie que l’on ne soupçonne pas: les clochers de nos villes et de nos campagnes cachent des trésors, des merveilles, en tout cas des curiosités que le grand public ignore, mais qui attirent des passionnés. Leur association, la Guilde des carillonneurs et campanologues de Suisse (GCCS), tenait ce week-end son assemblée dans le Sud fribourgeois. Une trentaine de membres venus de toute la Suisse et de France ont suivi un programme concocté par l’un d’eux, le Fribourgeois Claude-Michaël Mevs. Outre l’assemblée statutaire à Châtel-Saint-Denis, celui que tout le monde appelle Mike (et dont la voix d’animateur est bien connue des auditeurs de Radio Fribourg) a prévu huit visites de clochers sur deux jours: Attalens, Châtel, Romont, Villars-sur-Glâne, Bulle, Villarvolard, Marly et la cathédrale Saint-Nicolas, à Fribourg.
Ce choix, Mike l’a effectué pour donner un aperçu de la diversité et de la richesse de la région en ce domaine. «Une des caractéristiques fribourgeoises, c’est que les clochers sont plutôt petits, mais avec de grosses sonneries, explique-t-il. On voit aussi beaucoup de cloches anciennes récupérées.»
Plus de 7 tonnes
L’église de Châtel-St-Denis, par exemple, est «représentative de ce que l’on trouve dans le canton. Avec notamment quatre de ses cinq cloches qui sont signées.» La plus grosse pèse plus de 2800 kg et date de 1832. La collégiale de Romont, de son côté, en recèle onze, dont «le deuxième plus gros bourdon du canton», avec ses 5700 kg et ses 2 m de diamètre. Cette «si bémol de l’octave 2» a été coulée en 1579 par le Bernois Franz Sermund, une référence pour les connaisseurs. Dans le canton, seule la sol 2 de la cathédrale de Fribourg est plus imposante: baptisée Sainte-Marie, elle date de 1505 et fait 2,20 m de diamètre, pour 7300 kilos…
Les spécialistes ne se contentent évidemment pas de voir ni de toucher ces merveilles. Ils veulent les écouter et les enregistrer, en solo et en plénum. Avec des sonneries à la volée, c’est-à-dire en balan- çant la cloche, et non en frappes lâchées, où un marteau fait tinter la cloche de l’extérieur.
A Châtel-Saint-Denis, un raide escalier de bois mène au beffroi, impressionnante charpente qui, fait remarquer Mike, ne touche pas les murs. La raison: quand un moteur met en mouvement les cloches, tout le beffroi bouge, vacille, tremble. Les murs n’y résisteraient pas, alors que la charpente absorbe les balancements.
La danse des géantes
Casques antibruit, appareils d’enregistrement audio et vidéo, spots allumés: place au spectacle. A l’heure dite, les monstres de bronze se mettent en branle. Ces géantes se balancent, semblent soudain s’alléger. Les voici qui volent, dansent, chantent, à la fois effrayantes de puissance et gracieuses. Le son vous traverse, vous fait vibrer de la tête aux pieds, résonne longtemps après le dernier battement.
Ces sons, les campanologues les apprécient, les comparent, les analysent. Tout comme ils déchiffrent les inscriptions, décryptent les mascarons et chaque détail, sans jamais oublier les hommes qui ont réalisé ces monstres de métal. Parce que, comme le répète Claude-Michaël Mevs, «derrière chaque cloche, il y a une histoire». Et dans chaque clocher, toute une vie cachée. ■
Site de Claude-Michaël Mevs: www.quasimodosonneurdecloches.ch
La Guilde attire les jeunes
Fondée à l’initiative du carillonneur Andreas Friedrich, la Guilde des carillonneurs et campanologues de Suisse (GCCS) a vu le jour en 1991, l’année des 700 ans de la Confédération. Elle compte aujourd’hui 86 membres, dont beaucoup de jeunes passionnés. Un nombre «en augmentation, alors que tant d’associations voient leurs effectifs diminuer», s’est réjoui, samedi à Châtel-Saint-Denis, le président Mathias Walter, musicologue, historien de l’art et expert réputé de campanologie. A l’occasion de son assemblée générale, la GCCS organise chaque année une visite de deux jours, comme celle de ce week-end dans le canton de Fribourg. Elle publie également sa propre revue, Campanae helveticae. EB
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