«En Suisse, le mot athlète n’existe pas»

| sam, 16. nov. 2013
Nicola Spirig sera présente à Bulle le 16 novembre
La championne olympique de triathlon Nicola Spirig prendra son premier départ ce soir. La Zurichoise évoque sa vie de mère et d’athlète de haut niveau. Elle veut défendre son titre à Rio.

Par Karine Allemann

 

A 31 ans, Nicola Spirig a déjà pris le temps de terminer sa licence en droit, de remporter une médaille d’or olympique et de faire un bébé. Le 4 août 2012 en effet, la carrière de la Zurichoise a pris une autre dimension après sa victoire, au sprint, dans l’épreuve de triathlon disputée dans l’un des joyaux verts de la couronne, Hyde Park.
Sa vie a connu un autre moment fort le 21 mars dernier, quand venait au monde le petit Yannis, un garçon pressé né avec plus d’un mois d’avance. Après quelques semaines de pause – disons une «pause» à la Nicola Spirig – l’athlète est de retour à l’entraînement, puis en compétition. Ce soir à Bulle, elle disputera sa première Corrida bulloise.

Pourquoi cette participation à la Corrida bulloise, et quel sera votre objectif ce soir?
J’aime bien ces courses en ville, la nuit, avec les lumières et cette ambiance. C’est magnifique. Mais elles ne sont pas faciles à placer dans mon planning. Cette année, j’ai décidé de participer à quatre courses de la PostCup: il y a eu le Semi-marathon de Greiffensee (n.d.l.r.: avec une 4e place à la clé), puis Bulle, Bâle et Zurich. C’est très impressionnant pour moi de me retrouver dans le peloton avec les Suissesses les plus rapides. Je vais essayer de les suivre. Et on verra si je parviens à le faire sur 2, 4, ou 6 kilomètres.

Quand avez-vous repris l’entraînement après la naissance de votre fils Yannis?
La pause n’a pas été très longue. Quand j’étais enceinte, je m’entraînais encore deux fois par jour. Pas de manière très intense, car cela n’aurait pas été bien pour le bébé. Mais je faisais de la natation ou du vélo d’appartement. Je m’entraînais encore la veille de l’accouchement (rires). J’ai ensuite directement refait un peu de marche et du fitness. J’ai finalement repris la course à pied six semaines après la naissance. Mon entraîneur Brett Sutton a l’expérience avec les mamans. Il en a entraîné quatre et ça s’est toujours bien passé.

Il a donc toujours été clair pour vous que vous alliez poursuivre votre carrière après la naissance?
Pas tout à fait, car je ne savais pas comment mon corps allait réagir. Mon fils est ma priorité. Mais tant que j’arrive à concilier la vie de famille et l’entraînement, c’est super. Reste que si je devais arrêter, ce ne serait pas si grave. Car j’ai déjà vécu mon rêve en remportant la médaille d’or olympique.

Les championnats d’Europe 2014 ont lieu chez vous, à Zurich. Est-ce la raison de votre reconversion momentanée dans la course à pied?
C’est l’une des raisons. Je vais essayer de me qualifier pour ces championnats d’Europe sur 5000 m, 10000 m ou pour le marathon. On verra comment se passent les entraînements cet hiver. Mais ce choix est aussi fait en fonction du triathlon. Nous estimons qu’à Rio les triathlètes femmes vont améliorer leur temps à la course à pied de 30 secondes. Si je veux être compétitive, je dois améliorer ce secteur. Et puis, c’est un challenge supplémentaire de voir jusqu’à quel point je peux être rapide. Après, c’est un sport différent du mien. Avec ma musculature et mes 53 kg, j’ai un corps de triathlète, pas de coureuse.

Quand, comme vous, on a déjà gagné le plus beau des titres et qu’on est désormais mère de famille, est-ce difficile de trouver la motivation pour s’entraîner dans un sport aussi dur que le triathlon?
Ça reste ma passion. Après, c’est vrai que ma vie est compliquée actuellement. Je case des entraînements chaque fois que je peux dans la journée et j’ai très peu de temps libre. Mais j’aime m’entraîner aussi dur. C’est pour cela que j’ai voulu devenir professionnelle. Pour voir où se situent mes limites.

Récemment dans une interview, le double champion olympique de marathon Haile Gebreselassie disait que ce qui différencie les meilleurs des autres, c’est leur capacité à se faire mal. Vous êtes d’accord avec ça?
C’est une pièce du puzzle. Evidemment qu’à talent égal et à conditions d’entraînements égales, celui qui s’entraîne le plus dur ira le plus vite. Mais beaucoup d’autres facteurs entrent en ligne de compte: le potentiel de l’athlète, l’aide extérieure dont il peut bénéficier, son team médical, son coach, sa motivation et la chance qu’il faut pour ne pas être blessé. Sans oublier sa faculté de récupération et sa force mentale. Réussir découle d’un tout.

Vous avez remporté l’or olympique au terme d’un sprint épique dans les derniers mètres. Qu’est-ce qui a fait la différence?
Trois ans avant la course olympique, je connaissais déjà tous les athlètes qui allaient être présents, le parcours et la tactique à adopter. Sur la ligne de départ, on n’est jamais sûr de pouvoir gagner. Mais quand on a fait tout ce qu’on pouvait pour réussir, mentalement, c’est une grande force. J’étais prête comme jamais, mais sans savoir que ce jour-là serait à ce point parfait.

La Suisse compte deux médailles d’or et deux médailles de bronze aux JO en triathlon. Comment se fait-il que notre nation soit si forte?
Dans notre pays, il est très difficile de regrouper dix athlètes de haut niveau réunis dans un sport d’équipe. Mais on peut avoir quelques exceptions. Parce que pour réussir et avoir de bonnes conditions d’entraînement, un sportif suis-se doit bâtir sa propre petite entreprise. Ici, le sport n’est pas considéré comme très important. Les gens aiment le regarder à la télévision, mais ils ne veulent pas que l’Etat le soutienne. En Suisse, on ne peut pas juste être «athlète». Ce mot n’existe pas.

 

 

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