PAR SOPHIE ROULIN
Dans la cible, le marché mondial des armes de poing. Soit pas moins de 875 millions de pistolets et de revolvers. Derrière le viseur, deux entreprises gruériennes, Mecatyp SA et TechTonique SA, qui lancent ensemble un compteur de munition. En première mondiale. Protégée par une demande de brevet international, leur invention en est à ses premiers jours de commercialisation. Les instigateurs espèrent en vendre entre 20000 et 40000 par an.
«Ça n’a pas l’air, mais ce compteur peut devenir un produit de grande consommation», commente Jacques Demierre, fondateur de TechTonique avec son épouse Valérie et son frère Michel. Si l’entreprise, basée à Cerniat et spécialisée dans la technologie et l’électronique, s’est intéressée aux armes à feu, c’est que Jacques et Valérie sont tous deux d’anciens policiers: «Le besoin en la matière nous paraissait vraiment évident.» Et de se rappeler de séances d’exercice où le comptage des cartouches utilisées se faisait par un tiers.
Près de neuf ans de travail
Car, ça peut sembler invraisemblable, mais le tireur n’a aucune indication sur le nombre de balles qu’il reste dans son chargeur. Active dans l’électronique, TechTonique s’est mise en quête d’une solution dans son domaine. «Mais on s’est rapidement rendu compte que ça ne fonctionnerait pas, reconnaît Jacques Demierre. C’était trop fragile, pas assez fiable. Sans compter qu’il fallait une source d’énergie. Et surtout, une arme est mécanique.»
Découvrant que Mecatyp, entreprise spécialisée dans la mécanique de précision, installée à Corbières, vient de développer un dioptre pour le tir de compétition, Jacques Demierre entre en contact. «C’était en 2005, donc ça fait un moment qu’on cogite», relève Yvan Magnin, responsable développement chez Mecatyp.
Plusieurs versions ont vu le jour avant qu’une demande de brevet international ne soit déposée, en juillet dernier. «On est passés par un agent de brevet, explique Jacques Demierre. Celui-ci a été très étonné de découvrir qu’une invention pouvait encore toucher un marché potentiel aussi grand. C’est rare.» Car le compteur de munition, commercialisé sous la marque Observer, comme le dioptre, peut être adapté à tous les chargeurs d’armes de poing.
«Pour l’instant, nous nous sommes concentrés sur trois des armes les plus répandues dans le monde», indique Yvan Magnin. Un petit stock est d’ores et déjà disponible. «Mais on pourra répondre à d’autres demandes, si le marché le fait sentir.» Il n’exclut pas non plus de travailler pour un collectionneur indépendant qui souhaiterait équiper un de ses joujoux préférés. Le prix, établi à 200 francs pour les modèles courants, serait dans ce cas revu à la hausse.
Swiss Made, «un vrai plus»
Entièrement fabriqué et assemblé à Corbières – «sauf les roulements à billes», précise Yvan Magnin – le compteur de munition Observer met en avant son étiquette Swiss Made pour assurer sa promotion. «Dans le domaine de l’armement, c’est un vrai plus», souligne Jacques Demierre. L’objectif est de pouvoir assurer une fabrication locale quel que soit le succès que rencontrera le compteur. «Nous avons déjà des contacts avec un sous-traitant suisse pour certaines pièces, mais l’intérieur se fera de toute façon à Corbières», affirme Yvan Magnin. Mecatyp y emploie pour l’heure dix personnes.
Autre argument de vente: en plus d’indiquer les balles qui restent dans le chargeur, le compteur ajoute à l’ergonomie de l’arme utilisée, en procurant une meilleure prise en main. «C’est du deux en un», glissent ses concepteurs.
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Démarche soutenue par FriUp
Au moment d’industrialiser leur invention, Mecatyp et TechTonique se sont tournées vers FriUp. «On les a aidées dans leurs démarches, notamment en réalisant une petite étude de marché lors d’une bourse aux armes qui s’est tenue à Lausanne, indique René Bart, collaborateur de FriUp. Cela a permis de se faire une idée de l’intérêt suscité et de la compatibilité du prix estimatif avec le marché.»
Ce sondage s’est révélé positif. «Une personne sur deux se disait intéressée par notre produit, ajoute Jacques Demierre. Nos chiffres ne sont donc pas surévalués puisqu’on vise à équiper de notre compteur une arme sur 10000.» Plutôt que de créer une nouvelle entité, les deux entreprises gruériennes ont signé un accord commercial autour de leur invention. «Pour Mecatyp, qui fait beaucoup de sous-traitance, c’est un peu un rêve de proposer un produit propre, relève René Bart. D’autant que là, le potentiel est grand.» Le dioptre mis au point par la société de Corbières ne visait en effet que le marché de niche des compétiteurs de haut niveau.
Quant à la demande de brevet sur le compteur de munition, elle devrait aboutir en juillet. «On a déjà reçu une réponse positive de la part de l’office européen qui devait déterminer si notre compteur était vraiment innovant, note David Egger, responsable administratif de Mecatyp.
«Il y a eu diverses demandes de brevet pour des compteurs depuis 1934, mais actuellement, il n’y en a aucun qui fonctionne sur le marché.» SR
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